Après la catastrophe, une nouvelle économie numérique se fait jour à Haïti
Après l'effroyable tremblement de terre de 2010, les nouvelles possibilités de l'économie numérique pourraient aider à ressusciter ce pays antillais.
Affiché par Alanna Mitchell le 22 février 2018

Haïti était déjà le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental quand un énorme tremblement de terre est survenu juste au sud-ouest de la capitale, Port-au-Prince, le 12 janvier 2010.
Les effets furent dévastateurs : 300 000 morts et plus d’un million de personnes privées d’abri, une infrastructure détruite. Beaucoup de survivants, surtout ceux qui détenaient une formation, quittèrent le pays pour aller tenter leur chance ailleurs. Tout cela a considérablement miné la main-d’œuvre.
Aujourd’hui, près de trois Haïtiens sur cinq vivent sous le seuil de la pauvreté et le quart des 10 millions d’habitants connaît une misère abominable. Le chômage est très répandu. Comment les plus pauvres peuvent-ils trouver du travail dans ce pays où les occasions d’emploi sont si rares ?
Autrefois, un pays comme Haïti aurait sollicité des prêts internationaux pour construire des éléments d’infrastructure matérielle, comme une usine, des bateaux et un quai. Mais aujourd’hui, alors que des entreprises géantes comme Amazon, Netflix et Facebook enclenchent une révolution industrielle numérique, apparaissent de nouvelles possibilités qui n’auraient jamais pu exister auparavant.
Une idée qui fait son chemin, c’est de former des femmes de moins de 30 ans pour qu’elles soient en mesure de fournir des services informatiques, comme le traitement de données et le taggage Web, à des entreprises internationales qui ont l’habitude de donner ces tâches à contrat à des télétravailleurs. Pourquoi ne pas les confier à des Haïtiennes qui peuvent travailler selon des horaires personnalisés, chez elles ou à partir de centres d’emploi ? « Il existe des possibilités intéressantes à explorer, explique Ben Petrazzini, spécialiste de programme principal au Centre de recherches pour le développement international en Uruguay. La situation est aujourd’hui bien différente de ce qu’elle était dans le passé. »
Le CRDI fournit 800 000 $US sur trois ans pour lancer une recherche sur les types d’emplois qui pourraient convenir aux jeunes Haïtiennes dans cette nouvelle économie numérique, sur la demande que suscitent ces emplois et sur le risque qu’ils soient remplacés par l’intelligence artificielle avec le temps. Ce programme s’appelle AYITIC, combinaison de Ayiti, le nom créole du pays, et du sigle TIC (technologies de l’information et de la communication).
Au Caribbean Open Institute, en Jamaïque, on est en train de mettre au point des cours spécialement conçus pour préparer des Haïtiennes à travailler dans l’économie numérique. Les 50 premières étudiantes doivent commencer leur formation en mai 2018 et obtenir leur diplôme trois mois plus tard. Pendant la phase initiale du projet, on formera ainsi 300 Haïtiennes d’ici juillet 2019. Les chefs de projet explorent déjà la possibilité que des entreprises appartenant à des membres de la diaspora haïtienne, au Canada ou aux États-Unis, emploient ces nouvelles recrues.
Selon Ben Petrazzini, la tâche consistera ensuite à évaluer le programme et à étudier de quelle façon l’implanter dans d’autres pays d’Amérique latine. Il ajoute que le CRDI travaille à ce projet avec des partenaires, notamment l'École supérieure d'infotronique d'Haïti et l'Internet Addresses Registry for Latin America and Caribbean.
Avec le temps, on vise à attirer des investissements afin de construire l’infrastructure Internet à Haïti et de créer une grappe de TIC dans le pays, explique Max Larson Henry, coordonnateur d’AYITIC à Port-au-Prince et président de l’Association haïtienne pour le développement des technologies de l’information et de la communication.
Actuellement, dit-il, de 13 à 15 % des habitants ont accès à Internet. En revanche, environ 55 % des Haïtiens possèdent un téléphone intelligent, mais beaucoup ne sont pas continuellement connectés à Internet soit par manque de réseau ou de moyens financiers. Les jeunes sont néanmoins très enclins à utiliser le téléphone et Internet quand ils le peuvent, et ont ainsi acquis des compétences numériques.
Le but à long terme est de convaincre les jeunes femmes que, comme les hommes, elles peuvent participer à la révolution numérique. L’enjeu est de taille. Max Larson Henry fait remarquer que le travail d’une personne peut contribuer à payer la nourriture et les frais liés à l’école d’une famille de quatre ou cinq personnes. C’est donc bon à la fois pour la jeune femme, pour sa famille et pour l’économie entière.
Mais il existe une autre motivation. Si Haïti ne commence pas à créer des emplois pour les jeunes travailleurs, ils pourraient s’en aller, ce qui diminuerait d’autant l’espoir du pays de rebâtir son économie.
« C’est vraiment la chose à faire », conclut Max Larson Henry.
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Ce billet fait partie d’une série d’articles qui porte sur des projets soutenus par le Centre de recherches pour le développement international et qui est présentée en partenariat avec Canadian Geographic. Un blogue par mois sera diffusé sur le site idrc.canadiangeographic.ca.
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