Technologie et Innovation

La révolution de la monnaie numérique au Mexique


Comment des familles mexicaines à faible revenu peuvent effectuer des opérations bancaires numériques grâce à leur téléphone et améliorer leur sort du même coup


Affiché par Alanna Mitchell le 20 juin 2017

À 42 ans, Teresa de Jesus Palacios, bénéficiaire du projet Prospera du Mexique, se sert de son téléphone cellulaire devant sa maison à Tres Picos dans l’État du Chiapas. Un nouveau volet du projet, appelé Prospera Digital, vise à permettre aux femmes comme Teresa de béné cier des allocations de Prospera grâce aux transactions bancaires mobiles. (Photo: IDRC/James Rodriguez)

Tous les deux mois, des millions de femmes mexicaines entreprennent un pèlerinage vers les caravanes du gouvernement et autres points de service officiels afin de recevoir une enveloppe remplie de billets de banque.

Elles reçoivent cet argent en espèces dans le cadre d’un programme national d’inclusion appelé Prospera, qui vise à aider les femmes à faible revenu à nourrir, vêtir et faire instruire leurs enfants. Il s’agit d’un programme de grande envergure qui concerne 7 millions de femmes provenant de 120 000 collectivités et qui totalise 4 milliards de dollars américains par an.

Mais pourquoi ces femmes doivent-elles se déplacer plutôt que de simplement aller à la banque ? Parce qu’environ 5,6 millions d’entre elles ne sont pas « bancarisées » : elles ont un compte à la Bansefi, la banque nationale d’épargne et de services financiers du Mexique, mais il n’existe pas de banques, de guichets automatiques ni même de terminaux de point de vente dans les collectivités rurales où elles habitent.

La distribution des allocations est un processus coûteux en temps et en argent à la fois pour ces familles et pour le gouvernement. Les femmes doivent souvent payer l’autobus et craignent en plus de se faire voler ou attaquer sur le chemin du retour.

La monnaie numérique est la solution, selon Gloria Mayne Davó, coordonnatrice de programme à Mexico de l’organisation régionale DIRSI, qui eff ectue une recherche sur les politiques et les règlements en matière de technologies de l’information et des communications et leurs répercussions sur la pauvreté. DIRSI collabore avec le bureau du premier ministre du Mexique, Enrique Peña Nieto, en vue de trouver un moyen d’acheminer cet argent aux femmes de façon sûre, économique et facile grâce à un programme appelé Prospera Digital. Les collectivités rurales n’ont pas de banques, mais beaucoup ont accès à des services de téléphonie mobile, et certaines familles possèdent déjà un appareil. Ce qui signifie qu’après une formation adéquate, les femmes pourraient recevoir leurs allocations Prospera sous forme de paiement électronique.

Comment les orienter vers l’ère du « sansespèce » ?

Grâce à la subvention de départ de 178 000 $ reçue l’an dernier du Centre de recherches pour le développement international, les chercheurs de DIRSI se sont employés à déterminer ce qu’il faudrait pour que les femmes utilisent les systèmes bancaires numériques.

Ils ont commencé par regarder comment fonctionnait le système de banque électronique dans d’autres pays, comme le Paraguay, la Colombie, le Chili et le Pérou. Cela impliquait aussi de cartographier la couverture de services mobiles au Mexique et de repérer les petites entreprises pouvant faire office de points de service. Il fallait en outre cerner les obstacles culturels au système bancaire électronique.

On devait tenir compte d’un élément essentiel : les femmes ne faisaient pas confiance au gouvernement et à ses services. Elles craignaient que le gouvernement suive leurs dépenses électroniques. Certaines avaient du mal à saisir la notion même d’argent électronique par rapport aux billets de banque qu’elles pouvaient toucher.

Par exemple, les 1,5 million de bénéficiaires du programme Prospera qui vivent dans une ville ou à proximité et qui ont accès à une banque ou un guichet automatique ont tendance à retirer aussitôt la totalité de l’argent qu’elles reçoivent six fois par année. L’argent en espèces est roi.

« Elles ont peur que l’argent disparaisse un jour de leur écran de téléphone, explique Ben Petrazzini, spécialiste de programme principal du CRDI en Uruguay. Une fois que nous aurons convaincu quelques-unes d’entre elles de l’utiliser, elles verront qu’elles peuvent s’yfier. »

La deuxième phase du programme est un projet pilote, qui bénéfi cie d’une subvention de 750 000 $ du CRDI. Il a deux volets : aider 30 000 femmes de milieu urbain qui utilisent déjà des cartes de débit à passer aux transactions bancaires mobiles; aider un échantillon de femmes de milieu rural ou semi-urbain qui reçoivent actuellement leurs allocations en espèces à passer aux cartes de débit ou aux transactions mobiles. Le but consiste à étendre le projet pilote à une partie des 5,6 millions de femmes de collectivités rurales du programme Prospera avant le début de 2018. De manière générale, on compte montrer d’ici à la fi n de l’année prochaine — au changement de présidence — de quelle façon la numérisation de Prospera pourrait profi ter aux 7 millions de femmes. « Nous voulons devenir le coeur de l’ADN de Prospera », déclare Gloria Mayne Davó.

Mais il ne s’agit pas uniquement d’argent. Prospera Digital vise ultimement à aider les femmes à faible revenu à acquérir des compétences numériques et à accroître leur littératie fi nancière. Cela pourrait créer d’autres possibilités. Avec le temps, Prospera Digital pourrait inciter les femmes à économiser, à modifi er leurs habitudes de consommation et peut-être même à ouvrir une ligne de microcrédit pour fonder une petite entreprise.

Selon Gloria Mayne Davó, c’est une stratégie qui a porté ses fruits dans d’autres pays. Au Kenya, où des familles à faible revenu ont adopté le système bancaire électronique, la pauvreté a décliné, les femmes ont gagné une plus grande maîtrise des fi nances familiales et certaines se sont lancées en aff aires, ajoute-t-elle.

Pour Ben Petrazzini, Prospera Digital « est l’entrée dans la vie numérique. Une porte sur un monde entièrement nouveau est en train de s’ouvrir. »

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Ce billet fait partie d’une série d’articles qui porte sur des projets soutenus par le Centre de recherches pour le développement international et qui est présentée en partenariat avec Canadian Geographic. Un blogue par mois sera diffusé sur le site idrc.canadiangeographic.ca.

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