La santé maternelle à l’ère de l’information au Pérou
Comment le projet Wawared fait appel à la technologie pour collecter et échanger des données médicales qui amélioreront le sort des femmes
Par Brian Owens, le 17 janvier 2017

Dans la plupart des pays en développement, les femmes connaissent un taux de morbidité et de mortalité maternelles plus élevé qu’il ne le faudrait : on pourrait en effet prévenir la majeure partie des causes de maladies conduisant à la mauvaise santé, voire à la mort des mères et des nouveau-nés. Ce taux s’élève de façon disproportionnée chez les collectivités pauvres ou autochtones.
« Un des principaux problèmes, c’est que les fournisseurs de soins de santé et les femmes ellesmêmes ne disposent pas d’information adéquate, à jour et fiable pour prendre les meilleures décisions », déclare Chaitali Sinha, administratrice de programme principale au Centre de recherches pour le développement international, qui soutient le projet intitulé Wawared (wawa signifie « bébé » en quichua, une langue des Andes). Cette initiative vise à faire en sorte que les femmes et les fournisseurs de soins au Pérou disposent des données dont ils ont besoin pour rendre la grossesse et la naissance plus sûres, en normalisant et en échangeant l’information par l’entremise d’un système électronique unique de dossiers médicaux. On s’assure ainsi que les renseignements et les avis pertinents atteignent les groupes les plus vulnérables et améliorent l’intégration des systèmes d’information sur la santé dans tout le pays.
Grâce à ce système, on peut envoyer des messages textes pour rappeler les rendez-vous, et des messages vocaux dans la langue locale (qui n’est pas toujours l’espagnol dans les régions à forte concentration autochtone) pour donner aux femmes enceintes des conseils sur leur santé et sur les signes de problèmes à surveiller. D’abord mis à l’essai dans 15 centres de santé d’une seule région, Wawared est actuellement mis en oeuvre dans 350 centres dans tout le pays, et notamment dans 20 centres d’une région située dans la jungle, où l’on signale des cas d’infection au Zika. Les femmes enceintes infectées par ce virus peuvent mettre au monde des enfants atteints d’anomalies congénitales. Les responsables du projet sont actuellement en pourparlers avec les entreprises de téléphonie du Pérou pour offrir leurs services à l’échelle nationale.
Wawared vise aussi à établir des liens plus nombreux au sein des systèmes de soins de santé très fragmentés du pays. Actuellement, chaque région gère son propre système et les échanges d’information entre les régions et le gouvernement central sont défi cients.
« On souffre, à l’échelle du pays, d’une épidémie de données inexactes et redondantes qui transforment en un véritable trou noir plusieurs services de soins de santé et qui ne sont jamais utilisées », explique Chaitali Sinha.
Selon Jose Perez-Lu, directeur général du bureau de la technologie de l’information au ministère de la Santé et un des responsables du projet, grâce aux dossiers médicaux électroniques, les sages-femmes ne perdront plus 40 minutes à remplir 15 formulaires différents après chaque visite d’une femme enceinte. Elles pourront faire parvenir l’information directement et rapidement au service approprié du ministère et épargneront ainsi un temps précieux. Avec le système actuel, les sages-femmes doivent remplir leurs formulaires et les envoyer au centre de santé régional, d’où les données sont saisies sur ordinateur puis acheminées au ministère de la Santé. Il faut donc parfois plusieurs semaines pour que les planificateurs du ministère reçoivent d’importantes données, ce qui entrave leurs efforts lorsque surviennent de graves problèmes de santé comme ceux causés par le virus Zika.
Le ministère peut aussi utiliser les données collectées pour créer des indicateurs qui aideront à déterminer comment et où fournir des services de santé. « Les données à elles seules ne peuvent sauver des vies, déclare Chaitali Sinha. Ce projet vise l’interfonctionnement, la création de systèmes qui peuvent se parler et la mise en place d’une culture au sein de laquelle on échange des données de façon utile. »
Jose Perez-Lu explique que le ministère se fondera sur ces données pour connaître le nombre de femmes utilisant chaque centre de santé et pour déterminer, par exemple, la quantité de vitamines et de suppléments à envoyer dans chaque région. « C’est le genre d’information dont on a besoin pour améliorer la santé des femmes enceintes », fait-il observer.
Jose Perez-Lu explique aussi qu’on projette d’étendre les dossiers médicaux électroniques à d’autres secteurs des soins de santé. Le ministère dispose déjà, pour les enfants de moins de cinq ans, d’un dossier électronique rattaché à celui de leur mère, ce qui permet aux parents et aux travailleurs de la santé d’assurer la mise à jour des vaccins. Le ministère prévoit utiliser la même méthode pour suivre certaines maladies comme la tuberculose et le VIH. Un jour, chaque Péruvien aura un dossier médical électronique unique qui le suivra toute sa vie. Cela permettra aux médecins de préserver la santé de chacun, mais aussi au gouvernement de faire le meilleur usage possible de ses ressources parfois limitées.
« Un système local qui permet d’échanger les données de façon sûre et anonyme avec les centres de santé locaux et le ministère central est le Saint-Graal des systèmes d’information sur la santé », conclut Chaitali Sinha.
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Ce billet fait partie d’une série d’articles qui porte sur des projets soutenus par le Centre de recherches pour le développement international et qui est présentée en partenariat avec Canadian Geographic. Un blogue par mois sera diffusé sur le site idrc.canadiangeographic.ca.
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